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Sur notre Forum-Tirons la sonnette d’alarme: Le risque critique d’incendie à bord de navires

Par Yoan Marier*

 

Une menace sans réponses claires

Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Au cours de la dernière décennie, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a reçu près de 400 signalements d’incendies à bord de navires; 10 % de ces incendies ont entraîné la perte totale du navire. Bien que les pertes de vie demeurent rares, les conséquences des incendies à bord de navires peuvent être catastrophiques.

Ces événements sont l’un des types d’urgences les plus graves en mer. Au cours de ses 35 années d’existence, le BST a émis neuf préoccupations liées à la sécurité et dix recommandations en matière de sécurité-incendie.

Pourtant, la fréquence et la gravité des incidents récents soulèvent une question cruciale : pourquoi les équipages formés continuent-ils d’être dépassés lors d’incendies à bord de navires?

Enquêtes sur les interventions en cas d’incendie à bord de navires

Des enquêtes du BST récentes offrent un certain éclairage sur la question. Les incendies à bord de navires peuvent se déclarer sans avertissement et prendre de l’ampleur au point de devenir incontrôlables en quelques minutes. Bien que chaque événement soit unique, ils ont tous un point commun : la rapidité avec laquelle les urgences à bord peuvent s’intensifier, même avec des systèmes de lutte contre les incendies et un équipage formé.

Incendie dans la salle des machines sur le Tecumseh

Le 15 décembre 2019, le vraquier Tecumseh a subi un incendie dans la salle des machines alors qu’il transitait par la rivière Détroit près de Windsor (Ontario). L’équipage a déclenché le système fixe d’extinction d’incendie au dioxyde de carbone (CO₂) du navire et a mouillé les deux ancres. Bien que l’incendie ait initialement été éteint, il s’est rallumé après que l’équipage a introduit de l’air frais en rentrant dans la salle des machines. Le navire a été remorqué jusqu’au port de Windsor, où l’incendie a été complètement éteint le lendemain avec l’aide d’une équipe de sauvetage maritime.

L’enquête du BST sur cet événement (M19C0403) a révélé un manque de matériel de formation à la lutte contre les incendies et de plans de préparation aux situations d’urgence propres au navire. Le rapport souligne également que, si l’on s’attend à ce que les brigades d’incendie à terre appuient la lutte contre les incendies à bord, elles doivent recevoir une formation appropriée et être équipées adéquatement. Sans une formation et du matériel adaptés, leur capacité d’aider les équipages des navires en cas d’incendie est limitée.

Photo du BST de la salle de commande des machines endommagée par le feu sur le Tecumseh  – (M19C0403)

Défaillance catastrophique du moteur, incendie subséquent et naufrage de l’Atlantic Destiny

Le 2 mars 2021, la machine du navire de pêche Atlantic Destiny, a subi une panne catastrophique lorsque le navire se trouvait au sud de Yarmouth (Nouvelle-Écosse). Les génératrices d’arbre ont explosé, provoquant un incendie et des dommages qui ont conduit à l’inondation de la salle des machines. Le navire a coulé le lendemain.

L’enquête (M21A0041) qui a suivi a révélé que même si l’équipage avait activé le système fixe d’extinction d’incendie au CO₂ de la salle des machines, les rentrées répétées dans l’espace scellé réintroduisaient de l’oxygène, ce qui a permis au feu de se rallumer. Cela a amené le Bureau à émettre une préoccupation liée à la sécurité concernant les connaissances insuffisantes de l’équipage sur les systèmes fixes d’extinction d’incendie au CO₂.

Photo de la Garde côtière canadienne du navire Atlantic Destiny mesurant 143 pieds de long qui a coulé en mars 2021 (M21A0041)

Perte de conteneurs à la mer et incendie subséquent à bord du ZIM Kingston

Le 21 octobre 2021, le porte-conteneurs ZIM Kingston a subi un roulis paramétrique, ce qui a entraîné la perte de 109 conteneurs à la mer et des dommages à d’autres. Trente-six heures plus tard, alors que le navire était ancré au large de Victoria (Colombie-Britannique), un incendie s’est déclaré dans un conteneur endommagé et s’est propagé à cinq conteneurs qui se trouvaient à proximité. L’incendie a brûlé pendant cinq jours avant d’être déclaré éteint.

L’enquête (M21P0297) qui a suivi a mis en évidence la capacité limitée du Canada à gérer les urgences maritimes qui dépassent les capacités de l’équipage d’un navire. Contrairement aux États-Unis, le Canada n’exige pas de plans préétablis en cas d’urgence ou de sauvetage, et la Garde côtière canadienne ne dispose pas de capacités de lutte contre les incendies maritimes et ne joue pas un rôle direct dans cette lutte contre les incendies. À la lumière des faits établis, le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant les lacunes en matière de l’état de préparation du Canada en cas d’urgence maritime qui dépasse la capacité d’intervention de l’équipage du navire.

Incendie dans la salle des machines à bord du Holiday Island

Le 22 juillet 2022, un incendie s’est déclaré dans la salle des machines à bord du Holiday Island près de Wood Islands (Île-du-Prince-Édouard). Tous les passagers et les membres d’équipage non essentiels ont été évacués en toute sécurité, et une intervention d’urgence à grande échelle a suivi. Malgré les efforts des intervenants, l’incendie n’a pas pu être éteint et le navire a été abandonné. Il a continué de brûler jusqu’au lendemain après-midi. Deux jours après le début de l’incendie, le navire a été remorqué jusqu’au terminal de Wood Islands et déclaré perte réputée totale.

Tout comme cela a été relevé dans des événements antérieurs, cette enquête (M22A0258) a elle aussi révélé des problèmes liés à l’utilisation du système fixe d’extinction d’incendie au CO₂ : l’équipe formée pensait avoir activé le système fixe d’extinction d’incendie au CO₂ à partir de la passerelle. Cependant, en raison d’instructions manquant de clarté, le système n’a été activé que 15 minutes plus tard. La salle des machines n’était pas non plus complètement scellée, ce qui a réduit l’efficacité du système.

Recueillir des données cruciales pour améliorer l’intervention en cas d’urgence maritime

Ces événements et d’autres similaires sont un appel à l’action. Ils sont comme des canaris dans une mine de charbon, signalant des vulnérabilités systémiques plus profondes dans le cadre de la sécurité maritime au Canada.

Afin de mieux comprendre pourquoi les équipages formés peuvent être dépassés lors d’incendies à bord de navires et ce qui se passe lorsqu’une intervention d’urgence externe est nécessaire, le BST a lancé une enquête nationale sur une question de sécurité (SII) (M24A0348). Nous mobiliserons les gens de mer, les administrations des ports et des havres, et les services de lutte contre les incendies à terre pour brosser un portrait complet des risques encourus.

La SII portera également sur les problèmes de sécurité récurrents relevés lors d’enquêtes antérieures, notamment les connaissances limitées des équipages sur les systèmes d’extinction au CO₂, la formation insuffisante des intervenants à terre et les lacunes dans la capacité du Canada à gérer les incendies à bord de navires.

L’objectif est simple : s’assurer que quiconque monte à bord d’un navire dans les eaux canadiennes puisse le faire en ayant pleinement confiance dans les systèmes conçus pour les protéger.

Votre expertise nous aidera

Votre expérience de première ligne est essentielle pour comprendre les enjeux et améliorer la sécurité en mer. Participez à l’amélioration de l’intervention du Canada en cas d’incendie à bord de navires en apportant votre contribution à l’enquête nationale. Visitez bst.gc.ca/SondageSII pour partager vos connaissances.

(Photo intro : Photo de la Garde côtière canadienne d’un incendie à bord du porte-conteneurs ZIM Kingston en 2021 – M21P0297).

*Yoan Marier est le président du Bureau de la sécurité des transports du Canada; il compte plusieurs années d’expérience dans le domaine des transports sous réglementation fédérale et de la conformité réglementaire.

 

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