Pierre Terrien
Éditeur, Maritime Magazine
Le gouvernement du Canada a annoncé aujourd’hui par communiqué que le chantier naval Davie s’est préqualifié en vue de devenir le troisième partenaire stratégique dans le cadre de Stratégie nationale de construction navale (SNCN). Le troisième chantier partenaire au titre de la SNCN construira six brise-glaces de programme pour la Garde côtière canadienne (GCC).
C’était un secret de polichinelle que le chantier de Lévis, après avoir accommodé le gouvernement canadien par des offres non sollicitées et brillamment exécutées afin de parer a des lacunes béantes au sein de la marine canadienne et la GCC, était pressentit pour venir appuyer les efforts des chantiers Irving Shipbuilding Inc. et Seaspan Shipyards qui ont eu beaucoup difficultés à instaurer une cadence de production raisonnable pour la construction des navires qu’on leur avait commandés en 2011. Et ce, malgré de généreuses subventions afin de se moderniser, ce qui était pourtant proscrit dans les conditions de sélection de la SNCN. Dans le cas d’Irving, les subventions sont venues du gouvernement de la Nouvelle-Écosse alors que Seaspan a obtenu de l’aide du gouvernement fédéral pour pratiquement, construire un chantier capable de livrer les navires commandés par l’État.
Alors que l’annonce d’aujourd’hui était attendue avant le déclenchement des élections cet automne, une plainte provenant de Heddle Marine de l’Ontario concernant les conditions d’éligibilité en vue de devenir le troisième chantier de la SNCN a retardé le processus de sélection. Certaines exigences jugées discriminatoires par Heddle ont donc été corrigées afin de permettre à ce chantier d’être considéré aussi pour l’obtention des importants contrats liés à la désignation de troisième chantier.
C’est donc maintenant officiel, Davie a démontré, selon Ottawa, qu’il répondait aux exigences initiales concernant l’expérience, la capabilité et la capacité, comme défini dans l’invitation à se qualifier publiée le 2 août 2019. «Une excellente nouvelle pour les travailleurs du chantier et de tous les fournisseurs au Québec et au Canada pour des années à venir», nous affirme Frédéric Boisvert, Vice-président, Affaires publiques chez Davie.
Alex Vicefield, président du conseil d’administration de Chantier Davie Canada inc., a déclaré lui dans un communiqué de Davie: « L’annonce historique d’aujourd’hui marque le début d’un programme multigénérationnel qui s’échelonnera sur les trente prochaines années et qui solidifiera la position de Chantier Davie en tant que leader mondial en matière de livraison de navires spécialisés essentiels pour les missions. »
James Davies, Président et Chef de la direction de Chantier Davie a souligné quant à lui «Il s’agira du plus grand programme de construction navale réalisé au Québec depuis la seconde Guerre mondiale, ce qui assurera la stabilité des emplois chez Davie et qui favorisera le développement de la grappe maritime québécoise. Celle-ci sera un moteur important de l’économie de la province. Nous avons maintenant hâte de rappeler au travail le plus rapidement possible les 1 000 travailleurs qui ont été mis à pied en 2017.»
Chantier Davie passera donc à la prochaine étape du processus de sélection, c’est-à-dire «la demande de propositions et l’évaluation. L’étape comprendra une évaluation par un tiers des infrastructures du chantier naval la présentation d’une proposition officielle, ainsi qu’un processus de diligence raisonnable visant à confirmer que le chantier naval a la capacité financière de s’acquitter du travail et d’apporter les améliorations nécessaires à ses infrastructures».
Compte tenu du contexte d’aujourd’hui on peut supposer que le gouvernement fédéral choisira un tiers objectif afin d’évaluer le plus grand chantier naval canadien. Avant la construction du navire pétrolier ravitailleur d’escadre Astérix qui entame cette année sa deuxième année d’opération autour du monde, le haut fonctionnaire mandaté par Ottawa pour évaluer le chantier avait affirmé que jamais Davie ne pourrait construire un tel navire. Pendant ce temps là, Seaspan reportait chaque année la date de livraison des navires que l’Astérix est venu remplacer à bras levé. Davie avait aussi offert à un prix réduit, un deuxième navire (l’Obélix) qui serait venu seconder l’Astérix qui ne peut quand même pas pallier à tous les besoins de la marine canadienne au sein de la flotte de l’OTAN malgré une utilisation à quasi 100%, ce qui est plutôt rare pour un navire militaire.
Faut dire que l’Astérix est en fait loué à la Marine canadienne grâce à un partenariat novateur de Federal Fleet qui comprend la conversion du navire avec des fonds non publics, entièrement au risque de Federal Fleet, ainsi que sa possession et son opération pour une période de temps définie. L’opération du navire est donc partagée entre des civils et des membres de la Marine canadienne. Selon les ententes conclues entre les partis, le gouvernement peut prendre possession de l’actif et les services connexes nationalisés.
Bien que ce modèle ne convienne pas à certains navires ou services (tels que les navires de combat), il correspond parfaitement aux besoins du gouvernement relativement aux flottes auxiliaires et de la Garde côtière. Le modèle, qui n’est pas inconnu dans d’autres parties du monde, a largement fait ses preuves avec le déploiement exceptionnel de l’Astérix et offre une économie considérable aux contribuables. On ose espérer que la formule fera mouche.
Le gouvernement du Canada entamera donc des négociations avec Davie, s’il montre patte blanche à la suite des nouveaux examens, ce qui n’inquiète pas le porte-parole du chantier, en vue de conclure une entente-cadre qui devrait être mise en place d’ici la fin de 2020.
Entre temps, Davie poursuit la transformation de deux brise-glaces pour la GCC qui seront livrés au printemps et qui bénéficieront d’améliorations demandées par Ottawa suite à une première année d’opération du Captain Molly Kool, livré au sein du même programme de conversion. Quand aux concepteurs, ils sont à pied d’oeuvre en vue de la conception de tdeux raversiers pour le gouvernement canadien qui seront construits vraisemblablement par Davie aussi.
Il y a très longtemps que l’avenir du plus grand chantier naval canadien n’est pas apparue sous une palpabilité aussi tonitruante. Le travail incessant de l’Association des fournisseurs du chantier Davie et la détermination des propriétaires ainsi que leur vision avant-gardiste n’y est surement pas pour rien.