Par Michael Grey*
Les États-Unis possèdent l’un des plus longs littoraux du monde et leur masse continentale est traversée par un grand nombre de voies navigables. On pourrait donc s’attendre à ce qu’ils soient à l’avant-garde des initiatives visant à déplacer le transport des routes encombrées vers les voies d’eau sous-utilisées. La simple géographie suggère que, si on leur en laisse la chance, les côtes américaines devraient être envahies par des transports maritimes modernes qui achemineraient toutes sortes de marchandises à leur périphérie, réduisant ainsi la pression sur les autoroutes inter-États. Ce n’est pas que les possibilités n’aient pas été reconnues. Au moins une fois au cours de chaque présidence américaine dont je me souvienne (c’est un nombre considérable), l’administration maritime américaine a élaboré des plans, des projets et des recommandations visant à remettre le fret interétatique à flot. Au cours des deux dernières présidences, la MARAD est même allée jusqu’à commander des plans de première classe pour une gamme de navires qui pourraient être construits aux États-Unis pour servir d’outils à ce changement modal. Il y avait des rouliers et des porte-conteneurs et si cet ambitieux projet d’« autoroute maritime » avait été mis en œuvre, il aurait pu avoir un impact notable sur les embouteillages et la pollution sur les autoroutes interétatiques très fréquentées. Nous avons un nouveau président et, fidèle à ses habitudes, j’ai lu dans l’excellente Millers’ Maritime Newsletter que la MARAD a annoncé en août six nouveaux projets qui, s’ils étaient convenablement financés, pourraient permettre d’augmenter le transport de marchandises sur l’eau salée et sur l’eau douce. Il s’agit de projets dans les territoires américains d’outre-mer, de propositions visant à stimuler le trafic sur le Missouri, le New Jersey et le Wisconsin, et d’un service de barges intercôtières sur la côte ouest qui reliera la Californie, l’Oregon et l’État de Washington. Mais il est triste que les États-Unis, forts de leurs compétences et de leur patrimoine maritimes, ne parviennent pas à trouver un moyen plus ambitieux de revitaliser le cabotage le long de leurs longues voies maritimes côtières, si ce n’est par des projets de remorqueurs et de barges, par opposition à de « vrais » navires.
Je suis sûr qu’il y a des gens de mer aux États-Unis qui regardent de l’autre côté de l’Atlantique la flotte de navires qui travaillent à la périphérie de l’Europe et qui souhaitent quelque chose de mieux dans leur propre jardin. Imaginez l’impact que pourraient avoir sur les côtes américaines des navires grands et efficaces comme ceux de Grimaldi, Stena, DFDS ou Cobelfret. C’est en effet ce que MARAD espérait obtenir avec ses initiatives précédentes. Pourquoi cet effort louable n’a-t-il pas porté ses fruits ? Il n’est pas difficile d’avancer quelques raisons. Tout d’abord, le passage de la route à d’autres modes de transport ne peut se faire que progressivement – on ne peut pas mettre soudainement à disposition un nouveau navire gigantesque et s’attendre à ce que les clients, habitués depuis des générations à dépendre du transport routier, changent leurs préférences et leurs habitudes.
Idéalement, à l’instar de la Commission européenne et de ses « autoroutes de la mer », il faut fournir un « capital de départ » pour encourager un opérateur à ouvrir une route à un prix abordable pour l’utilisateur. L’opérateur va se mettre au diapason et affréter un navire qui ne va pas lui faire perdre de l’argent au fur et à mesure que la route va se développer. Ensuite, des navires plus grands peuvent être mis en service, lorsqu’ils ont une chance d’être rentables. C’est un système qui a réussi à s’imposer en Europe, malgré un certain scepticisme initial.
Les contraintes de l’éternel Jones Act… Mais malheureusement, aux États-Unis, une telle option n’est pas disponible, principalement en raison du Jones Act de 1920, qui interdira expressément l’importation de ces navires affrétés ou d’occasion utiles qui pourraient permettre aux gens de découvrir les opportunités maritimes.
Il y a donc très peu de chances que la demi-douzaine de projets annoncés précédemment par la MARAD aient trouvé un acheteur, car les dépenses d’investissement nécessaires à leur construction n’auraient jamais pu être justifiées. Supposons qu’après de telles dépenses, au coût bien plus élevé d’un navire construit aux États-Unis, les clients ne se soient pas présentés, ou qu’ils aient été si peu nombreux que chaque voyage ait été stupidement déficitaire. Le compte n’y est pas. Et si vous n’avez pas les moyens de vous offrir de beaux ro-ros de 20 nœuds ou des porte-conteneurs côtiers efficaces et performants, vous en êtes réduit aux remorqueurs et aux barges… Comme à chaque présidence, on tente de revitaliser le cabotage, on tente aussi d’abroger le Jones Act, mais cela ne donne jamais grand-chose non plus. Quoi que vous puissiez penser du protectionnisme, il est là pour protéger et sans lui, il n’y aurait tout simplement pas d’emplois pour les citoyens américains sur les navires américains ou autres. La situation finirait par ressembler à celle de l’Europe, où les armateurs se tournent vers la main-d’œuvre la moins chère du monde pour armer leurs navires, ce qui est peut-être bien pour les utilisateurs des navires et leurs armateurs, mais n’est pas génial pour des gens comme les Britanniques, qui ne peuvent même pas trouver un navire qui accepte de donner du temps de mer à un cadet. Tout est une question d’équilibre, ou d’évaluation d’un ensemble de politiques par rapport à un autre. C’est une question d’équilibre, ou de peser un ensemble de politiques par rapport à un autre.
(La photo montre le porte-véhicules Grande New Jersey de Grimaldi, construit en 2020)
*Michael Grey est l’ancien rédacteur en chef
Forum MM : Limites regrettables des initiatives américaines pour redynamiser le cabotage
- By Maritime Magazine
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