Par Michael Grey*
C’est le réveillon du Nouvel An, moment où les gens bienveillants se souhaitent mutuellement l’espoir que les douze prochains mois seront heureux, voire prospères. Permettez-moi donc de commencer par un tel souhait pour nos lecteurs, même si la plupart des éléments suggèrent qu’une grande partie de ce qui a fait de 2021 une expérience si misérable pourrait bien migrer sans problème vers l’année suivante. Mais l’espoir, comme on dit, fait vivre éternellement, nous ne pouvons donc qu’espérer que le virus, qui a causé tant de misères dans le monde, dissoudra son caractère mortel pour ne devenir qu’une simple nuisance sociale.
Qu’avons-nous appris au cours des douze derniers mois, à part la frustration, l’impatience et la résignation ? Quelque chose que nous pourrons peut-être appliquer en 2022, à mesure que l’année 2022 évoluera ?
Dans notre monde maritime, nous devrions nous concentrer sur la vie des marins, qui ont permis au sang de circuler dans les artères du commerce mondial, mais à un prix assez terrible. Au milieu de la panique et du chaos qui règnent dans de nombreux pays du monde, les navires ont continué à naviguer et le grand public a été sensibilisé à leur existence, peut-être en raison du blocage spectaculaire du canal de Suez ou des interruptions de la chaîne d’approvisionnement qui ont suivi.
Mais rares étaient ceux qui semblaient se rendre compte que, si les navires poursuivaient leur route, ceux qui étaient à bord ne parvenaient pas à mettre pied à terre pendant des mois, ne pouvaient pas rentrer chez eux à la fin de leur contrat, tandis que leurs remplaçants étaient bloqués chez eux et incapables de gagner leur vie. C’était comme si tous les navires qui allaient et venaient, apportant et emportant tout ce qui permettait de subvenir aux besoins du monde, étaient manœuvrés par des robots et sans l’intervention d’êtres humains.
Malgré toutes les injonctions sérieuses pour que les marins soient déclarés travailleurs spéciaux, lorsqu’il s’agissait de résoudre les problèmes pratiques liés aux autorités d’immigration et de quarantaine, il a fallu des efforts surhumains de la part d’agents de bord, d’agences de protection sociale et d’autres pour atténuer la misère et faciliter les échanges d’équipages, souvent avec une complexité fantastique. Et à chaque vague successive du virus, deux pas en avant étaient si souvent suivis d’un pas en arrière que j’ai bien peur de devenir très impatient alors que nos prêtres et nos politiciens adressaient des prières et des remerciements aux travailleurs de la santé, au personnel des supermarchés, aux éboueurs, aux chauffeurs de bus, etc., courageux et altruistes, qui nous maintenaient nourris et en bonne santé.
« Et que dire des marins, qui assurent le bon fonctionnement du commerce mondial et ne sont jamais reconnus pour cela ? » Je me suis retrouvé à marmonner à voix basse à l’église ou à crier à la radio. J’aurais peut-être dû faire le contraire : marmonner à la radio et crier à l’église.
Car nous avons vu, sur de nombreux fronts, que de nos jours, la politique est bien souvent une réaction aux cris assourdissants des militants, armés jusqu’aux dents des réseaux sociaux et d’une connaissance approfondie des relations publiques et du fonctionnement du gouvernement et de la loi. Les vieux sages disaient autrefois qu’on n’arrive jamais à rien en s’écartant des chemins du débat démocratique, de la recherche minutieuse et de la discussion sereine autour des canaux appropriés, et qu’il n’y a pas de place pour les cris dans une société avancée décente et civilisée.
La douce raison ne suffit pas contre les fanatiques
Je crains que nous ayons découvert que tous ces conseils bien intentionnés sont en grande partie absurdes et que ce sont les fanatiques, qui font campagne de la manière la plus extrême, pour toutes les causes imaginables, en utilisant tout ce qui va de la diplomatie du mégaphone à la violence, qui ont tendance à se faire remarquer et à influencer les décideurs politiques qui eux-mêmes recherchent l’approbation du public et nos votes. Des individus monomaniaques bloquant les routes principales et indifférents aux appels humanitaires, aux manifestants verts empêchant le commerce légitime, aux adeptes d’une école scientifique ou universitaire particulière qui chercheront à détruire la carrière ou l’emploi de ceux qui sont d’une conviction opposée, nous sommes bel et bien à l’ère du fanatisme.
Il est impossible de raisonner avec ces gens qui déversent leurs seaux de pétrole sur le trottoir devant le bâtiment de l’OMI ou qui dégradent les bâtiments publics ; les foules hurlent leurs injures à quiconque pourrait être en désaccord avec elles et déversent leur fiel en ligne. « La science est réglée ! » crient-ils, dans ce qui doit être une expression d’arrogance à couper le souffle, à une époque de découvertes scientifiques extraordinaires.
Et il ne fait aucun doute que le fanatisme l’emporte, comme en témoigne la façon dont les gouvernements démocratiques sont de plus en plus influencés par le bruit qu’ils entendent et qu’ils croient refléter l’opinion majoritaire. Peut-être que les gens sensés du secteur maritime devraient être un peu plus fanatiques en 2022 en soutenant les causes qu’ils jugent importantes. La douce raison, comme cela a été démontré, ne fait pas l’affaire. (Photo Shutterstock)
Michael Grey est l’ancien rédacteur en chef de Lloyd’s List. Cette chronique est publiée avec l’aimable autorisation de Maritime Advocate Online.