*Par Carl Laberge
La chaîne d’approvisionnement canadienne n’a jamais revêtu autant d’importance qu’aujourd’hui. Les pénuries dues à la pandémie et les phénomènes météorologiques graves ont stimulé l’intérêt public et politique pour les liens commerciaux essentiels du Canada. Le Groupe de travail sur la chaîne d’approvisionnement du gouvernement fédéral et les Comités des Transports et de l’Agriculture de la Chambre des communes examinent actuellement les mesures que le Canada doit prendre pour renforcer ses chaînes d’approvisionnement afin de répondre aux futurs besoins commerciaux du pays. Les membres de l’AAPC attendent avec intérêt leurs recommandations.
Un important travail reste néanmoins à accomplir, avec les annonces prévues prochainement du ministre des Transports Omar Alghabra sur l’Examen de la modernisation des ports (EMP). Lancé en 2018, cet examen exhaustif de la structure et des opérations de dix-sept administrations portuaires canadiennes est une occasion rare de renforcer la capacité d’investissement des ports commerciaux du Canada en faveur de la croissance, de la résilience et de la compétitivité dans un avenir mondial à faible émission de carbone.
Les administrations portuaires canadiennes, qui exploitent commercialement ces actifs fédéraux essentiels de manière autonome, attendent vivement les résultats de l’Examen et espèrent y voir repris les objectifs suivants :
• Renforcement de la gouvernance — Les administrations portuaires canadiennes ont été créées en 1998 pour développer l’aspect commercial et la gestion locale des ports fédéraux du pays, et le modèle a réussi en grande partie. Le gouvernement fédéral nomme la plupart des administrateurs aux conseils d’administration des administrations portuaires au moyen d’un processus de consultation des utilisateurs de chaque port. Il reste cependant des améliorations à apporter, dans le respect de l’autonomie de la gestion portuaire et de la responsabilité fiduciaire des membres du conseil à l’égard de l’administration portuaire locale qu’ils servent.
L’efficacité des nominations d’administrateurs qualifiés, censées refléter les besoins des ports et la diversité des collectivités qu’ils desservent, pourrait être améliorée grâce à des échéanciers plus stricts pour les nominations aux conseils et une plus grande attention accordée aux compétences nécessaires et aux candidats proposés par les groupes d’utilisateurs portuaires.
• Flexibilité financière et limites d’emprunt – L’amélioration de la flexibilité financière revêt une signification différente selon le port concerné. Contrairement aux entreprises privées ou à d’autres actifs fédéraux tels que les aéroports, les limites d’emprunt des administrations portuaires canadiennes sont énoncées dans leurs lettres patentes. Leur révision est un long processus, incompatible avec les besoins des ports et des partenaires de projet dans un contexte commercial international dynamique. En remplacement des limites d’emprunt, les administrations portuaires recommandent au gouvernement d’établir des cotes de crédit minimales et des mesures raisonnables de service de la dette pour chaque administration portuaire ou, à minima, de simplifier les procédures de modification des limites d’emprunt.
• Outils de financement fédéraux – Le Fonds national des corridors commerciaux a contribué énormément au renforcement des chaînes d’approvisionnement canadiennes, avec 880 millions $ d’investissements dans les administrations portuaires canadiennes. La demande dépasse toutefois de loin le montant de financement disponible. Pour les ports de plus faible tonnage, des outils financiers supplémentaires seraient utiles, tels que l’accès à la Banque de l’infrastructure du Canada pour les projets de petite échelle ou un fonds spécifique pour l’entretien des infrastructures essentielles.
• Terres et ports intérieurs — À l’instar des modifications des limites d’emprunt, l’acquisition et la vente de terrains nécessitent des modifications aux lettres patentes, procédure potentiellement complexe, chronophage et coûteuse. Cela signifie que les ports perdent des occasions d’investissement critiques pour les opérations et la capacité portuaires. Les changements mondiaux en matière d’approvisionnement sont devenus plus complexes au fil du temps et les ports canadiens jouent un rôle clé dans les échanges commerciaux du pays. Ils doivent pouvoir agir plus rapidement.
Les ports doivent être en mesure de créer des « ports intérieurs » — des terminaux intermodaux directement reliés aux ports maritimes par rail ou par route – pour rationaliser l’utilisation des terres et améliorer les flux commerciaux canadiens.
• Filiales et coentreprises — La flexibilité financière permet également l’utilisation plus adaptée de filiales et de coentreprises, les administrations portuaires canadiennes pouvant développer leurs activités commerciales et générer des revenus supplémentaires en complément des droits portuaires facturés aux utilisateurs. Les administrations portuaires canadiennes recommandent la suppression des limites d’investissement sur les filiales et le droit des ports à détenir une participation partielle dans des entités ad hoc et des coentreprises liées aux activités portuaires.
Près de 25 ans ont passé depuis la création des administrations portuaires canadiennes et il est temps d’améliorer le modèle, mais il ne faut pas perdre de vue les réalisations intervenues pendant ces années. Le Canada dispose maintenant d’un réseau de ports dynamiques, novateurs et administrés localement. Ils agissent localement et disposent de processus de consultation permettant de dialoguer avec les utilisateurs portuaires, les collectivités et les groupes autochtones. Et ils n’ont jamais perdu de vue leur rôle : fournir les infrastructures maritimes indispensables à la réalisation des objectifs nationaux et régionaux du Canada et des objectifs socio-économiques de leurs collectivités.
Clairement, les administrations portuaires canadiennes sont des moteurs de développement économique pour les entreprises canadiennes. Mais le Canada a changé, les chaînes d’approvisionnement mondiales ont évolué et les améliorations voulues par les administrations portuaires canadiennes sont indispensables pour promouvoir et protéger les objectifs commerciaux et la compétitivité du Canada pour les prochaines décennies.
*Carl Laberge est PDG de l’Administration portuaire du Saguenay et président de l’Association des administrations portuaires canadiennes