Les outils juridiques dont dispose le Canada pour lutter contre le bruit sous-marin ne fonctionnent pas. Étant donné que certaines parties de l’océan sont déjà 100 fois plus bruyantes qu’elles ne le seraient naturellement, le temps presse pour que le gouvernement fédéral crée une stratégie nationale conséquente et complète pour protéger les écosystèmes et les espèces marines.
C’est la conclusion d’un nouveau rapport intitulé Stratégie sur le bruit dans les océans du Canada : Législation et analyse des politiques, commandé par le WWF-Canada et mené par East Coast Environmental Law et West Coast Environmental Law afin de trouver des moyens plus rapides d’atténuer cette menace qui s’accélère.
La navigation commerciale était en plein essor sur les deux côtes avant même que l’oléoduc Trans Mountain ne commence à remplir des pétroliers dans la mer des Salish, en Colombie-Britannique, le mois dernier. L’augmentation se poursuivra lorsque le terminal de gaz naturel liquéfié de LNG Canada à Kitimat aura des pétroliers qui traverseront la mer de Great Bear d’ici le milieu de 2025 et qu’un terminal d’exportation de propane de 1,3 milliard de dollars à Prince Rupert sera achevé d’ici 2026. Pendant ce temps, le changement climatique ouvrira bientôt de nouvelles routes commerciales maritimes à travers l’océan Arctique encore calme.
Le bruit océanique n’est pas explicitement incorporé dans les lois et règlements existants en matière de conservation marine ni dans les lois régissant les industries océaniques. Cette analyse juridique a donc examiné les lois et les politiques fédérales de la Couronne sur la gestion des océans afin de déterminer les mécanismes que le Canada peut utiliser ou renforcer pour contrer cette menace croissante pour la vie marine.
Il a constaté que les outils dont le Canada dispose déjà pour protéger les paysages sonores sous-marins — au moyen de zones de protection marine (ZPM), de lignes directrices sur la qualité du milieu marin (QEM) ou en vertu de la Loi sur les océans, de la Loi sur les pêches, de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, et la Loi sur les espèces en péril — sont sous-utilisés et n’ont pas de cibles claires et de caractéristiques importantes qui rendraient les efforts de protection des paysages sonores sous-marins juridiquement contraignants, mesurables et exécutoires.
L’analyse juridique a également recommandé un éventail de voies pour Pêches et Océans Canada, Transports Canada, Environnement et Changement climatique Canada, Parcs Canada et les organismes de réglementation des industries côtières extracôtières afin de collaborer afin de prioriser le bruit sous-marin, notamment :
- établir des normes régionales et sous-régionales avec des seuils de bruit;
- l’adoption de mesures réglementaires et de gestion concrètes pour les AMP qui limitent les activités génératrices de bruit et préservent l’habitat acoustique des espèces marine en péril;
- établir des seuils quantitatifs de bruit et des cibles de réduction pour les habitats de toutes les espèces aquatiques en péril inscrites qui ont besoin de paysages sonores calmes pour leur rétablissement;
- imposer des limites de réduction du bruit par zone aux projets côtiers et extracôtiers;
- l’obligation de tenir compte du bruit dans les études d’impact sur l’environnement;
- en réglementant les seuils de bruit, en obligeant les zones à éviter et en prenant des mesures d’atténuation comme les vitesses et les restrictions des navires et les technologies silencieuses.
Pourtant, ces recommandations ne sont qu’un élément d’une stratégie plus globale, qui est nécessaire pour vraiment traiter les impacts du bruit sous-marin. La prochaine Stratégie sur le bruit dans les océans doit jeter les bases d’une solide politique sur le bruit sous-marin qui a le pouvoir de réglementer, de surveiller et d’appliquer les limites de bruit et les objectifs de réduction.
Hussein Alidina, spécialiste principal de la conservation marine au WWF-Canada, déclare:
« À mesure que les niveaux de bruit dans nos océans continuent d’augmenter, l’approche actuelle ne suffit pas à protéger la vie marine, y compris les baleines. Les outils juridiques dont nous disposons actuellement, même s’ils sont utilisés à leur plein potentiel, fournissent une solution temporaire. Nous avons besoin d’une solution à long terme qui réglemente la pollution sonore sous-marine. »
(Photo du WWF de la baleine à bosse sur la côte de la Colombie-Britannique)