Par Leo Ryan, rédacteur en chef
Le gouvernement fédéral du Canada a clairement rejeté l’ambition du Port de Québec de lancer une deuxième porte d’entrée des conteneurs sur le fleuve Saint-Laurent en complément de Montréal, affirmant que le projet Laurentia ne répond pas aux normes de développement économique qui respectent pleinement l’environnement.
Cette décision prise mardi par le Cabinet du gouvernement libéral Trudeau faisait suite à un rapport final défavorable il y a plusieurs semaines de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada qui avait conclu que le projet dans le secteur de Beauport était susceptible d’entraîner des « effets environnementaux négatifs directs et importants » sur les poissons et l’habitat du poisson, la qualité de l’air et la santé humaine, les conditions socio-économiques et l’utilisation actuelle des terres et des ressources à des fins traditionnelles par les peuples autochtones.
Le rapport fortement négatif a incité Jonathan Wilkinson, le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, à renvoyer la question au gouverneur en conseil (Cabinet fédéral) pour un verdict final.
La décision d’Ottawa a été annoncée par Jean-Yves Duclos, président du Conseil du Trésor et député de Québec, qui a déclaré : « Au 21e siècle, le développement économique doit se faire dans le respect de l’environnement».
Après une délibération minutieuse et un examen des renseignements pertinents, le gouverneur en conseil « a déterminé que les effets environnementaux négatifs directs et cumulatifs potentiels importants du projet Laurentia ne sont pas justifiés dans les circonstances ».
À cet égard, le ministre Wilkinson a souligné que la décision s’applique uniquement au projet Laurentia et n’empêche pas l’Administration portuaire de Québec de soumettre de nouvelles propositions de projets et n’exclut pas un développement potentiel. Le gouvernement fédéral continue de soutenir le secteur maritime et les propositions potentielles seraient évaluées pour leur durabilité.
À Québec, le gouvernement Legault a exprimé sa déception par l’intermédiaire de Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique et députée de Québec.
Et Mario Girard, président-directeur général de l’Administration portuaire de Québec, a déclaré qu’il était regrettable qu’il ne soit pas possible de concilier les points de vue des experts du port avec ceux des spécialistes de l’agence d’évaluation et du ministère fédéral des Pêches et des Océans. Il a indiqué que le port entreprendrait une analyse approfondie des impacts de la décision – dans le contexte d’assurer le développement économique futur du port.
Pour sa part, le consultant en transport Brian Slack n’a pas été surpris par le refus d’Ottawa. Il a déclaré au journal La Presse que si le gouvernement fédéral se concentrait sur la question environnementale, il avait lui-même des réserves sur la faisabilité commerciale du projet.
Le projet Laurentia implique un investissement de 775 millions de dollars canadiens de la part de Hutchison Ports de Hong Kong, du CN et du Port de Québec, pour la construction d’un terminal en eau profonde conçu principalement comme une nouvelle passerelle maritime entre l’Amérique du Nord et l’Asie du Sud-Est, ciblant notamment le marché du Midwest à partir de son emplacement stratégique.
Don Krusel a joué un rôle clé dans le pilotage du projet, lui qui a dirigé la transformation de Prince Rupert, en Colombie-Britannique, en un port à conteneurs à la croissance la plus rapide en Amérique du Nord au cours de la dernière décennie.
Laurentia devrat être opérationnelle d’ici 2024, avec une capacité annuelle de 700 000 EVP. Le CN et Hutchison se sont engagés à injecter plus de 500 millions de dollars canadiens dans l’entreprise. Mais les discussions avec les gouvernements fédéral et québécois pour compléter le financement n’avaient pas encore abouti à des engagements fermes.
Alors qu’un certain nombre de municipalités et d’entreprises de la province de Québec ont exprimé leur appui au projet pour ses retombées économiques, des militants écologistes locaux et des groupes de citoyens se sont ardemment opposés à ce qu’ils considèrent comme une attaque inacceptable contre une région côtière et un mode de vie uniques au Québec. À cet égard, Alice-Anne Simard, directrice de Nature Québec, s’est félicitée de la décision d’Ottawa et a suggéré que le Port de Québec concentre tous ses efforts sur la modernisation de ses installations existantes plutôt que de s’engager dans une expansion industrielle majeure.