Par Leo Ryan, rédacteur en chef
L’ambition du Port de Québec d’émerger comme une deuxième porte d’entrée des conteneurs sur le fleuve Saint-Laurent avec Montréal semble sérieusement compromise après que Jonathan Wilkinson, le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, a annoncé son refus d’endosser le projet Laurentia.
Cela fait suite à la publication hier du rapport final de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada qui a conclu que « le projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants directs et cumulatifs » sur un certain nombre de composantes malgré la mise en œuvre des mesures d’atténuation et de surveillance actuellement prévues. Une décision finale devrait être rendue prochainement au cabinet fédéral, son calendrier n’étant pas encore déterminé.
Le ministre Wilkinson a déclaré que sa décision avait été prise après avoir examiné le rapport de l’agence ainsi que les commentaires du public et des Autochtones. La question, a-t-il dit, de savoir si les effets cumulatifs « sont justifiés doit maintenant être renvoyée au gouverneur en conseil ».
Le projet Laurentia dans le secteur de Beauport implique un investissement de 775 millions de dollars canadiens de la part de Hutchison Ports de Hong Kong, du CN et du port de Québec pour la construction d’un terminal en eau profonde conçu principalement comme une nouvelle passerelle maritime entre l’Amérique du Nord et notamment le marché du Midwest de par son emplacement stratégique.
Don Krusel a joué un rôle clé dans le pilotage du projet, lui qui a dirigé la transformation de Prince Rupert, en Colombie-Britannique, en le port à conteneurs à la croissance la plus rapide en Amérique du Nord au cours de la dernière décennie.
Laurentia devrait être opérationnelle d’ici 2024, avec une capacité annuelle de 700 000 EVP. Le CN et Hutchison se sont engagés à injecter plus de 500 millions de dollars canadiens dans l’entreprise. Des discussions sont en cours avec les gouvernements fédéral et québécois pour compléter le financement.
Alors qu’un certain nombre de municipalités et d’entreprises de la province de Québec ont exprimé leur soutien au projet pour ses avantages économiques, les militants environnementaux locaux et les groupes de citoyens se sont fermement opposés à ce qu’ils considèrent comme une attaque inacceptable contre une région côtière et un mode de vie uniques à Québec.
Si le projet devait finalement s’effondrer, ce serait un coup dur non seulement pour le CN et pour Mario Girard, président et chef de la direction du Port de Québec, qui a vanté la capacité de Laurentia à attirer de gros porte-conteneurs incapables de faire escale à Montréal en raison des limites de tirant d’eau, mais aussi à Hutchison Ports, un opérateur portuaire mondial de premier plan qui a récemment déjà été repoussé par Israël et l’Australie.
Dans sa première réaction publique aujourd’hui, M. Girard a déclaré à CBC/Radio-Canada que le rapport de l’agence « ne signifie en aucun cas la fin du projet Laurentia ».
Les composantes impactées répertoriées par l’agence comprenaient le poisson et son habitat, la qualité de l’air, la santé humaine, l’utilisation actuelle des terres et des ressources à des fins traditionnelles (plus spécifiquement liées à la pêche), les conditions socio-économiques liées à la pêche récréative et commerciale.
« De plus, Pêches et Océans Canada considère que le projet de compensation de l’habitat du poisson ne compenserait pas adéquatement, en vertu de la Loi sur les pêches, bon nombre des habitats perdus », indique le rapport, ajoutant : « Il n’assurerait pas non plus la survie ou le rétablissement des poissons comme le bar rayé, une espèce protégée en vertu de la Loi sur les espèces en péril.
« L’Agence croit que le projet pourrait avoir un impact négatif direct et cumulatif important sur les droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations, y compris l’exercice des droits de pêche et les pratiques culturelles connexes. De plus, compte tenu de la mise en œuvre des mesures d’atténuation, l’Agence conclut que le projet n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants sur d’autres composantes de l’environnement de compétence fédérale.