Pour les nostalgiques, on peut admirer l’élégante tonture du Hudson sur cette photo de Mac Mackay (@Shipfax) prise le 31 mars 2018
Pierre Terrien, éditeur, Maritime Magazine
Le navire hauturier de science océanographique NGCC Hudson, le plus vieux navire de la Garde cotière canadienne, a (finalement) repris du service après l’achèvement des travaux de prolongation de sa durée de vie, terminée par Newdock, à St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador. Les travaux comprenaient le remplacement d’acier et la réparation de diverses zones des ponts et des réservoirs du navire. Le navire a aussi subi des travaux d’entretien à son port d’attache à l’Institut océanographique de Bedford à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse.
Les travaux réalisés devraient permettre au Hudson de poursuivre la recherche scientifique vitale dans l’Atlantique Nord-Ouest et le golfe du Saint-Laurent, jusqu’à ce que son navire de remplacement soit livré dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale qui accuse elle aussi de nombreux retards et dépassements de coût vertigineux.
Un contrat de 10 millions de dollars avait été attribué le 13 février 2019 à St. John’s Drydock Ltd. (Newdock), à Terre-Neuve, pour le radoub en cale sèche du NGCC Hudson. Les travaux ont commencé le 25 février 2019 et devaient prendre six mois. Au cours des travaux sur les espaces intérieurs du navire, les travailleurs du chantier naval ont découvert de la peinture contenant du plomb, aucunement surprenant sur un navire aussi vieux, ce qui a retardé le projet.
En plus de ces travaux imprévus, l’élimination «inattendue» de l’amiante et les longs délais d’acquisition de pièces essentielles pendant le radoub ont entraîné d’autres retards. Encore une fois, aucun de ces éléments ne pouvait être une véritable surprise.
Le chantier naval a donc informé la Garde côtière canadienne le 27 novembre 2019 que la date de livraison ne serait pas honorée.
On se rappellera que Newdock terminait un programme d’entretien majeur sur le Hudson qui avait débuté chez Heddle Marine à Hamilton plusieurs années plus tôt grâce à un contrat de 4 millions de dollars qui a également connu des problèmes et des retards inattendus.
Ce qui a surtout freiné les travaux a été la découverte d’un tube d’étambot fissuré portant l’hélice du navire, ce qui a ajouté des semaines au travail.
Confronté à des retards continus en octobre 2017, le gouvernement fédéral a décidé de sortir le Hudson de chez Heddle même si les travaux étaient inachevés, car il craignait que le navire ne soit piégé par la glace hivernale de la Voie Maritime. Il fut alors remorqué à Terre-Neuve chez Newdock.
Pour ajouter l’insulte à l’injure, le chantier Davie de Lévis, qui cherchait pourtant à obtenir plus de travaux fédéraux à ce moment-là, a qualifié le Hudson comme étant irréparable et a refusé de soumissionner sur le lucratif contrat pour la révision du navire alors âgé de 56 ans, allant jusqu’à affirmer qu’il «représentait une menace sérieuse et réelle pour la sécurité de la vie en mer.»
Maintenant que le vénérable NGCC Hudson est rentré à son port d’attache à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, où on a commencé à préparer les prochaines missions scientifiques importantes, il faut espérer que tous ces travaux lui permettront d’atteindre en toute sécurité la venue de son remplaçant, ce qui constitue aussi une histoire peu glorieuse de retards et de dépassements de coûts.
C’est en 2007 que le gouvernement Harper a annoncé que l’Hudson, le plus important navire scientifique canadien, devait être remplacé d’ici 2012 et le contrat pour le remplacer a été attribué au chantier naval Seaspan de Vancouver, un des deux chantiers navals canadiens choisis originalement pour exécuter la Stratégie nationale de construction navale canadienne (SNCNC).
Mais ce projet est s’embourbé dans les retards, ce qui n’est pas vraiment surprenant étant donné que le chantier Seaspan, qui ne construisait rien de plus gros que des remorqueurs à l’époque, a dû littéralement construire un chantier avant de commencer la construction de navires de taille plus importante. Ceci était d’ailleurs contraîre à l’esprit du projet original de la SNCNC.
En 2013, les responsables de la Garde côtière prévoyaient qu’un remplaçant pour le Hudson naviguerait en 2017. Le coût était alors estimé à 144 millions de dollars.
Dans une mise à jour du gouvernement fédéral de 2018, une année plus tard, le nouveau navire devait être en service à la fin de 2021 ou au début de 2022 avec un budget maintenant estimé à 341 millions de dollars.
Aujourd’hui, même cette date a été repoussée, car la construction du navire de sciences océanographiques a été repoussée chez Seaspan, occupé par d’autres contrats qui accusent aussi d’importants retards dans la livraison, soit trois navires hauturiers de science halieutique pour la Garde côtière canadienne (NHSH) qui devaient être livrés en 2017 et deux navires de soutien interarmées pour la Marine royale canadienne dont le budget estimé de 4,1 milliards est en hausse de 700M par rapport à une projection antérieure et qui ont été priorisés au dépens du remplacement du NCCG Hudson, de là l’importance des radoubs récents sur ce navire qui est un outil fondamental de recherche océanographique
Le premier navire hauturier de science halieutique (NHSH) le NCCC Sir JohnFranklin a été livré par Seaspan à la Garde côtière canadienne le 27 juin 2019. Il s’agit du premier grand navire (finalement) livré dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale.
Le deuxième, le NGCC Jacques Cartiera été livré à la Garde côtière canadienne en novembre 2019. Il s’agit du deuxième grand navire livré dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale.
La construction du troisième, le NGCC John Cabot a débuté en février 2017 et le navire a été mis à l’eau le 3 juillet 2020. Il subit présentement ses essais en mer.
La dernière mise à jour pour les navires de soutien interarmées pour la Marine estime la livraison d’un premier navire en 2024. On peut légitimement se demander à quel coût?
Pour ce qui est des autres nouveaux navires pour la Marine Royale canadienne dont la construction ont été octroyées a Halifax Shipyard, les délais et les dépassements de coûts sont aussi époustouflants.
On ne peut qu’espérer que le gouvernement canadien soit plus habile dans ses évaluations de projets et ses exigences envers ses fournisseurs dans d’autres domaines que la construction navale.
*Avec des sources de CBC et du Gouvernement du Canada